
LA FLOTTE



DU PLANEUR AU BIREACTEUR
Dès la fin de la deuxième Guerre Mondiale, la formule de l'avion à réaction s'impose aux responsables de l'Armée de l'air et aux industriels de l'aéronautique française.
L'état-major de l'Armée de l'air décide de doter ses unités-écoles d'un biplace à réaction de fabrication nationale. Des ateliers de la société Fouga, à Aire sur Adour, sort un planeur de performance "CM .8.15" ; nous sommes en 1949, c'est le point de départ de l'aventure "CM 170 - Fouga Magister", (aboutissement des travaux communs de recherche entre Mrs Castello et Mauboussin (Fouga) et M. Szydlowski (Turboméca). Sur le planeur, on fixe un turboréacteur, installé sur le dos de l'appareil, juste derrière l'habitacle. Le "CM 8.15" est à ailes médianes et empennage papillon.
Le 14juillet 1949, Léon Bourriau décolle le "CM 8R.13", n° 1 "Cyclone" ; équipé d'un réacteu r Turboméca "Pimène" de 90 kg de poussée pour un poids de 420 kg, il dépasse la vitesse de 200 km/h ! Les essais se poursuivent avec succès, un deuxième prototype vole le 23 mars 1950. Le projet grandit. Devenu "Cyclope" avec un réacteur Turboméca "Pimène" de 110 kg de poussée, le "Cyclope II" suivra avec un réacteur de 160 kgp.
Deux fuselages de "Cyclope" sont en suite accolés afin de recevoir un réacteur plus puissant à l'étude chez Turboméca. Le "CM 88R Gémeaux 1" est né, bientôt suivi des "Gémeaux II et III". Il vole pour la première fois le 14 août 1951 avec un moteur Marboré II développant initialement 360 kgp et fin 1951 : 400 kgp.
VERS LA SERIE
Le 21 mai 1951, l'Etat notifie à la société Fouga un marché pour la réalisation de trois prototypes d'un avion d'entraînement à réaction (projet "CM 170R").
Le 23 juillet 1952, Léon Bourriau décolle de la piste de Mont de Marsan aux commandes du premier "CM 170R"équipé dedeux Marboré II de 360 kg de poussée unitaire . Un simple vol de vingt-cinq minutes au cours duquel il atteint la vitesse de 430 km/h et l'altitude de 2000 mètres. Le "CM 170R"est un avion monoplan, biplace en tandem, pesant 2500 kg et mesurant 9,5 m de long.
Les essais sont menés rondement et malgré la perte du prototype lors d'un accident, le contrat n'est pas remis en cause. Au contraire, l'Armée de l'air passe commande de cinq exemplaires de présérie. Quant aux deux autres prototypes, ils sont assemblés après quelques modifications. La poursuite des essais confirmant les qualités exceptionnelles de l'appareil, l'Etat passe commande de 1OO exemplaires le 23 septembre 1953 (5 avions d'avant série et 95 de série).
L'EXPERIMENTATION PEDAGOGIQUE
Les cinq exemplaires d'avant série (N° 09 à 13) rejoignent le Centre d'essais d'avions militaires ( CEAM) de Mont de Marsan pour permettre de définir les règles d'emploi et notamment la possibilité d'utiliser le "CM 170" en phase de pilotage initial.
Pour ce faire, une expérience de 9 mois est menée, de mai à novembre 1955. Elle concerne huit élèves venant de l'école de Marrakech. Ils sont divisés en deux groupes. Quatre commencent directement sur "Fouga" et quatre autres effectuent une progres sion avion à hélice, plus avion à réaction. Tous seront lâchés sur "Fouga" sans éprouver de grandes difficultés, mettant ainsi en valeur l'intérêt de la formule.
La solution mixte est tout d'abord retenue (40 heures sur MS 733 et 120 heures sur CM 170, mais dès octobre 1957, l'entraînement des élèves-pilotes se fera directement sur avion à réaction.
LE "FOUGA" EN SERVICE DANS L'ARMEE DE L'AIR
"A tout seigneur, tout honneur !" C'est l'Ecole de l'air qui est choisie pour recevoir le nouvel avion.
Le 28 mai 1956, le n° 4 de série se pose sur le terrain de la base aérienne 701, accueilli avec enthousiasme et fébrilité. L'ambiance est telle que l'avion à peine arrété sur le parking est entouré par une foule grouillante. Le porteur de bouquet voit ses fleurs disparaître dans le réacteur gauche tournant encore. Si celles-ci sont aisément digérées, il n'en va pas de même du fil de fer entourant le bou quet. Les aubes du compresseur sont endommagées. Le réacteur, qui n'a pas encore vingt heures de fonctionnement, retourna en usine avec le motif suivant : "Absorption de touffes d'herbe et de corps étrangers" !
Les premiers élèves-pilotes à débuter leur instruction en vol sur CM 170 sont ceux de la 12e brigade de la promotion 1954.
Les résultats sont très convaincants. L'avion s'avère "facile", performant, agréable en vol et formateur. Ses deux réacteurs apportent une sécu rité certaine par rapport à la motorisation unique de ses prédé cesseurs.
LA PATROUILLE DE L'ECOLE DE L'AIR
Dès 1957, les qualités acrobatiques du CM 170 et sa maniabilité conduisent à la création d'une "Patrouille de l'Ecole de l'air" à 3 avions, héritière de celle qui se produisit avant-guerre sur MS 230. La "Patrouille d'Etampes. Quatre moniteurs y sont affectés. La "première Ecole de l'air sur avion à réaction" est dès lors représentée dans les grandes manifestations aériennes. Les qualités du matériel employé pour l'instruction des pilotes ainsi que la maîtrise de leurs instructeurs sont à chaque fois démontrées.
De nombreuses vocations d'aviateurs y prennent naissance.
Dès le 1erjanvier 1959, six CM 170 lui sont affectés en propre, mais les pré sentations s'effectuent à 4 avions. Elle participe au 23e salon du Bourget avec les n° 97 AW, n° 135 UM, n° 136 UK et n° 150 AJ. La décoration des avions de la patrouille évoluera au fil des années et au gré du leader.
La patrouille acrobatique débute les entraînements pour la saison 1961 à 6 avions. En mai de la même année, elle dépasse largement ses 90 heures alouées en effectuant 198 heures. C'est la rançon du succès. Elle possède six avions équipés de servocommande, dont le prototype, le n° 60, qui reçoivent des fumigènes adaptés en bout de bidon.
Première patrouille sur avion à réaction ayant effectuée des figures complètes en négatif, la Patrouille de l'Ecole de l'air disparaît le 11 avril 1964 avec plus de 7.000 heures d'entraînement et une représentation dans près de 1OO meetings nationaux ou internationaux. * Commandants de la Patrouille de l'Ecole de l'air : Cne Kerguelen, Ltt Angot, Cne Chapus.
Créée en 1953 sur F84G "Thunderjet", la Patrouille de France (PAF) sur avions de combat est dissoute en janvier 1964, à la suite de restrictions d'ordre budgétaire.
La Patrouille de l'Ecole de l'air, qui a évolué parallèlement à la PAF de 1957 à 1964 devient la Patrouille de France le 11avril 1964, sur décision du Ministre des Armées, Pierre Messmer.
Jusqu'à présent équipée de Fouga II (avec servocommandes), la PAF perçoit des Fouga VI en avril 1966. Leur puissance, améliorée de 160 kgp, leur confère une bien meilleure vitesse ascensionnelle (4000 pieds/minute au lieu de 3000) facilitant ainsi le travail des équipiers lors des évolutions sur le plan vertical.
Passant successivement de 6 à 9 puis 11 appareils, le chiffre est finalement stabilisé à 9 avions.
Les CM 170 de la Patrouille de France recevront deux livrées différentes au cours de leur existence. Tout d'abord, de 1963 à 1970, un filet tricolore court de chaque côté du fuselage ( resté alu.) et l'insigne de l'Ecole de l'air figure sous la verrière avant. Le papillon et les ailes, intrados comme extrados, sont tricolores.
Pour la saison 1971, le Fauga change de "robe" :fuselage bleu foncé, ailes et papillon tricolore. A noter que depuis 1970, les avions arborent l'insigne officiel de la PAF qui figure sur le flanc gauche des appareils.
Le 16 septembre 1980 se déroule à Salon la dernière représentation sur le "Magister". Après seize années de prouesses, le Fouga est remplacé par l'Alphajet, désormais plus représentatif de l'aéronautique française.